Allez me resservir mon garçon !

Test réalisé sur la version PC sur steamdeck.
Critique publiée le 16/09/2025

Pau, 200 ans avant Bayrou, c'est dans une modeste taverne qu'un jeune serveur fait la rencontre du fantasque comte de Saint-Germain. Ce dernier initie le jeune mutique à l'art de la triche. Ensemble, ils prennent la fuite et parcourent le Sud de la France pour faire fortune et accomplir leur destin. Attention mesdames et messieurs, le spectacle va commencer...

Et quel spectacle ! Card Shark est sublime. Si je salue souvent la direction artistique des titres auxquels je joue, ils n'arrivent pas à la cheville de celle-ci. Le travail de Nicolai Troshinsky, assisté d'Ana Pez et de Pablo Alcazar, est envoûtant. Chaque décors est "fait main", dans un style particulier, entre la peinture impressionniste et la ligne clair pour les personnages. L'ensemble est harmonieux et vivant, grâce au travail de lumière et d'animation des environnements. C'est un plaisir jubilatoire de découvrir chaque nouvelle composition. Les personnages sont tous plus épatants que les autres et leurs animations, en désarticulation, ne viennent nullement gâcher leur attrait. Elles ont d'ailleurs été réalisées grâce au logiciel Spine. Les parties de cartes, à table, ne sont pas en reste. Les textures ont toutes été traitées avec grand soin et les différents points de vue de caméra offrent de réjouissantes manière de présenter ce petit monde. Mentions spéciales pour les enthousiasmantes triches à base de miroir. Cet incroyable plaisir visuel ne serait pas complet sans la bande-son royale d'Andrea Boccadoro. Une musique baroque enregistrée au Studio 1 de Londres avec de véritables instruments. Je vous conseille d'y jeter un œil dans cette vidéo de Devolver. Les thèmes musicaux nous immergent complètement dans cette France du XVIIIe siècle en reprenant certains morceaux de Debussy, de Bach ou du Chevalier de Saint-Georges. Certaines pistes sont même chantées. C'est un régal qui me bercera pendant longtemps et qui vaut, à lui seul, le détour.

Et c'est tout ? Et non ! Card Shark est venu me chercher là où je ne l’attendais pas... Pendant ce voyage initiatique à travers la France, Eugène découvre le monde de l'époque, des bas-fonds à sa grandeur. Un mystère, bien amené, entoure notre aventure. Coup de théâtre, trahisons, flirts, conspiration, tous les éléments sont réunis pour nous faire vivre un voyage rocambolesque et palpitant. En courts dialogues et écrits, Card Shark nous offre ainsi une histoire limpide, dans cette monarchie à bout de souffle. Des figures historiques croisent notre chemin et viennent même partager notre table. Cette narration rassemble tout ce qui fait la beauté du titre, en un bel écrin à bijoux. C'est brillant.

Jeu : 4,5/5

Tranquillité : 3,5/5

Card Shark est sorti le 2 juin 2022 sur PC et sur Nintendo Switch. Il est développé par Nerial, studio britannique, à l'origine de la série des Reigns. Ce jeu a été imaginé par Nicolai Troshinsky, artiste touche-à-tout, concepteur des techniques de triche et directeur artistique du jeu. Card Shark est édité par Devolver.

La vue et l'ouïe comblées, qu'en est-il du reste ? Card Shark nous invite à la table pour tricher. C'est bien toute l'originalité du concept. Pas de poker, de belote ou de tarot, on ne sait pas à quoi on joue, mais il faut tromper l'adversaire. À chaque destination, notre cher Comte de Saint-Germain, nous enseigne une technique de triche à appliquer lors de notre prochaine partie. Le jeu en propose 28 en tout. Ces techniques proviennent de diverses sources, bien réelles. Inspiré par la scène de triche de Barry Lyndon, Nicolai Troshinsky nous exhorte d'ailleurs à nous emparer de quelques-unes et de les tester, à nos risques et périls. Car si tricher au jeu de carte est difficile, ce l'est moins dans Card Shark. La majorité des techniques nécessitent peu d'entraînement avant d'être exécutées parfaitement, l'interface nous facilitant la tâche. Mais attention, les adversaires sont méfiants et il faudra gérer leur niveau de vigilance. La perspective de se faire attraper nous incite naturellement à bien maîtriser les techniques. On se retrouve complètement dans la peau d'Eugène, préparant consciencieusement sa triche. J'ai d'ailleurs peu d'exemples de jeu, où il faut, diégétiquement, s'entraîner pour maîtriser un enchaînement d'actions avant de l'appliquer. C'est très intéressant. Au niveau du gameplay, Wario Ware est revendiqué comme inspiration. Card Shark propose de petits mini-jeux; où il faut réaliser une série d'actions diverses pour accomplir la technique de triche. Rien de bien exigeant, mais attention, certains procédés nécessitent vraiment de l'entraînement. J'ai même eu besoin d'aller sur internet pour comprendre certaines explications obscures, vers la fin du jeu. Le jeu souffre là d'un manque de clarté, qui ne vient pas gâcher la fête, mais qui a légèrement embrouillé ma fin de partie. L'ensemble du gameplay tient pourtant la route, à défaut d'être transcendant. On ne se lasse pas du tout de ce voyage dans le monde de la triche.

Conclusion : Card Shark m'a ébloui. C'est un jeu magnifique, qui propose une progression claire portée par un récit réussi. Les techniques de triches sont nombreuses et étonnantes d'inventivité. Si le gameplay reste classique, on ne peut qu'être ébahi par la beauté visuelle et sonore du jeu. C'est sans doute l'une de mes plus belles expériences esthétiques. Merci !

Conclusion du test de Card Shark :

Test de Card Shark

Que demander de plus ? Pas grand chose, tant j'ai été comblé, par mon temps passé sur Card Shark. Bon, je suis frustré de ne pas pouvoir profiter de ses merveilles à plus grande échelle. Car Card Shark reste modeste dans ses dimensions. Le jeu propose la même progression, tout au long du jeu. Un petit détour par une carte de France très sobre visuellement pour choisir notre destination, une technique enseignée et une partie de carte. Pas de choix scénaristique à faire, ni de gestion réelle de notre économie. On aurait pu rêver d'un peu plus de matière, mais je me garde bien de m'avancer là-dessus tant l'équilibre d'un jeu est précaire. J'ai juste envie d'engloutir le gâteau après avoir savouré une excellente part. C'est la gourmandise qui parle.