[Test] Spiritfarer
Incontournable dans la catégorie des cozy games, c'est au tour de Spiritfarer de faire l'objet d'un test. Sortez vos mouchoirs parce qu'il est réputé pour être un vrai tire-larmes. Mais Spiritfarer est-il suffisamment subtil pour être appréciable?
Le joueur tranquille
Spiritfarer est sorti en août 2020 sur toutes les plate-formes, avec un portage mobile sous la coupe de Netflix en 2022. Une édition augmentée, baptisée "Farewell Edition", regroupe tous les contenus additionnels. Ce jeu indépendant est développé et édité par le studio canadien, Thunder Lotus.


Test réalisé sur la version PC
Critique publiée le 19/08/2025


Spiritfarer propose des mécaniques classiques de simulation agricole. Sur le bateau, il est possible de produire de nombreuses ressources, de les transformer, d'en faire des plats ou des matériaux de construction. Un peu de pêche et de minage pour compléter le tout. Cet aspect du jeu encadre la progression. Les ressources se débloquent au fur et à mesure et permettent d'accéder à de nouvelles zones en améliorant le bateau. Ces ressources permettent également d'avancer dans les quêtes des esprits. Si cette progression est artificielle et classique, elle est suffisamment équilibrée tout au long du jeu pour maintenir l'envie de progresser. D'autant plus que le jeu est très permissif. Produire ces ressources ne nécessite que des interactions optionnelles. Il est également possible de faciliter la récupération de certains matériaux plus rares. A part certains poissons, dont rien ne permet de savoir où ils peuvent être pêché, tout est fait pour rendre la vie sur le bateau plaisante. Pas d'échec en vue. Tant mieux, car cette gestion est l'élément principal de la boucle de gameplay de Spiritfarer. Boucle forcément un peu redondante, et sans enjeu, mais qui nous berce tranquillement.


Même si le monde est vaste, peuplé d'îles et de zones à ressources, la part accordée à l'exploration reste réduite. Stella obtient petit à petit une panoplie de déplacement assez plaisante, mais qui nécessite un temps d'adaptation. Bien que le jeu propose une exploration plus verticale, les îles se parcourent horizontalement en quelques secondes en vue de côté. La navigation du bateau se faisant à partir d'une carte. Ce n'est pas forcément pour me déplaire, le jeu évite ainsi la lassitude de devoir découvrir des zones trop grandes. Pourtant, même si Spiritfarer a peuplé son archipel de petites créatures, des fantômes qui ont toujours une petite phrase étonnante ou rigolote, j'ai eu du mal à trouver de l'intérêt dans la découverte de ce petit univers. On comprend d'ailleurs rapidement que ce monde est le fruit d'une imagination et n'a donc pas vocation à prouver sa cohérence. Il est factice et n'a d’intérêt que comme espace d'existence des esprits.
Pourtant, Thunder Lotus, a fait un travail visuel remarquable. C'est bien la marque de fabrique du studio, qui en a même fait sa devise : " L'Art dont vous êtes le héros". Malgré sa polysémie, on parle bien avant tout de l'art visuel. Car Spiritfarer est magnifique. Des animations, aux designs des personnages en passant par ses environnements, c'est un véritable plaisir visuel tout du long. Même s'il l'on peut regretter d'être limité par cette éternelle vue de côté à une échelle plutôt réduite. Spiritfarer est un film d'animation jouable. Chaque interaction, petite expression des esprits est à tomber. Le jeu est généreux et son style reconnaissable entre mille. Le tout manque peut-être un peu de cohérence et parfois d'un peu de grandiose, mais ce n'est qu'un détail. Sa musique n'est pas en reste, discret mais puissante quand il le faut. En revanche, n'allait pas vous baladez sur leur site, parce qu'on en ressort franchement frustré de pas avoir droit à de véritables cinématiques dans le jeu ! Dommage ! Je termine mes applaudissement par la formidable technique derrière l'organisation du bateau. Chaque déplacement de pièce se fait parfaitement et simplement. Les échelles apparaissent, les toits se rejoignent, l'harmonie est respectée. Même en ajoutant les pièces au gré de la progression, l'ensemble reste parfaitement cohérent. C'est beau.
Tranquillité : 4/5
La mort, c'est bien bien elle, le fil rouge de Spiritfarer. On y incarne Stella, flanquée de son fidèle chat, dans un univers peuplé d'esprits anthropomorphes. Sur son bateau, elle navigue d'île en île pour remplacer Charon et amener les esprits jusqu'au Seuil Éternel et leur faire un ultime adieu. Chaque âme passera un peu temps sur le bateau. Il faudra les loger, les nourrir et répondre à leurs ultimes souhaits avant leur dernier voyage.


Jeu : 4/5




Maintenant, Spiritfarer, ses esprits et leur mort. C'est bien toute l'originalité du titre, offrir une douce progression dans un univers chatoyant, tout en nous demandant d'accompagner les personnages rencontrés vers leur mort. Audacieux...
Alors que je m'attendais à une narration explicite, Spiritfarer s'appuie uniquement sur les pensées et courtes interaction des esprits avec Stella. Quelques bulles de dialogues, optionnelles d'ailleurs, à part lors des éléments de quêtes et lors du dernier voyage, et c'est tout. C'est franchement déroutant, d'autant plus que les personnages s'adressent à Stella comme à une vieille connaissance. Car ses personnages, on le comprend assez vite, ont connu Stella et sont morts dans notre monde. Ils évoquent des événements et des connaissances communes sans que cela fasse sens pour nous. Il faut donc porter beaucoup d'attention à des dialogues sans emphase, sans comprendre vraiment de quoi il en retourne. Pas forcément facile. Ce n'est qu'au bout d'un moment, souvent en amenant les personnages vers leur départ souhaité, qu'on peut avoir la confirmation de leur destin, et encore pas toujours. Ce choix de narration a un bénéfice, il permet de garder l'aventure fluide et légère. Mais, j'aurai apprécié un peu plus de pédagogie. Au moins la possibilité d'accéder à une description des personnages, à un petit carnet qui serait mis à jour au gré des conversations. D'autant plus que le jeu en propose un, afin de se rappeler de ce que chaque esprit aime et de son humeur. Il est aussi possible de construire un bâtiment, qui nous permet d'avoir un peu plus d'information sur chaque personnage mais ce ne sont que des anecdotes. Raté. Certains joueurs et joueuses, arriveront sans peine à s'attacher à chaque esprit, à lire attentivement leur propos et à en déduire leur histoire. Ce n'a pas été mon cas, en tout cas pour une bonne moitié des esprits. Surtout quand les personnages sur le bateau deviennent nombreux et que les objectifs se multiplient. C'est d'autant plus frustrant qu'il existe un Art Book qui donne une description plus précise de la vie des personnages. Ces descriptions sont courtes et bien écrites. Pourquoi ne pas les avoir intégrées ? Ça m'aurait été bien utile. Spiritfarer a d'ailleurs reçu du contenu additionnel avec de nouveaux esprits qui clarifient grandement le lien entre Stella et ces personnages. Preuve que le dosage dans la narration a dû être un nœud dans le développement.
Je mets de côté cet aspect formel pour m'intéresser à ce que Spiritfarer nous dit, au long des 30 heures de jeu pour en venir tranquillement à bout. Le jeu prend soin de ne pas tomber dans le pathos et respecte la gravité de son sujet. Les créateur.ices ont compris qu'accompagner un personnage vers sa disparition définitive suffisait (en y ajoutant de belles animations de câlin, certes). Sans exagérer sur l'enjeu émotionnel du jeu, difficile de rester indifférent. Gorge nouée en perspective. Car Spiritfarer dresse une galerie de manière de mourir, souvent de maladie. De l'âge, au contexte familial, tout y passe. Et pourtant, le jeu arrive à maintenir une douce mélancolie et une vision positive de la vie. Car ce sont les esprits eux-mêmes qui s'expriment sur leur destin, se rappelant de bons souvenirs, réfléchissant sur la vie et en évoquant discrètement leur fin. Les personnages acceptent leur sort, tout en couvrant Stella d'éloges et en la remerciant. Plein de bons sentiments mais quelques phrases, ici où là, nous renvoient à la réalité de ce dont on parle. Dans toute sa tristesse et son injustice. On regrette peut-être que Stella soit si imperturbable mais cela s'explique. Cette panoplie d'histoires reste digeste, grâce à la simplicité de la narration, et résonne forcément avec nos histoires personnelles. Ce jeu peut faire du bien, beaucoup peut-être, entre de bonnes mains.


Conclusion du test de Spiritfarer
Test de Spiritfarer
Il est temps de se dire au revoir...


Conclusion : Spiritfarer propose une expérience inédite. Portée par des visuels magnifiques, son écriture est sensible malgré un choix de narration discutable, mais compréhensible. Sa partie "gestion" est anecdotique, mais suffisamment agréable pour rendre ce voyage doux-amer confortable. Un jeu ambitieux et courageux, qui me restera assurément en mémoire.
